Pourquoi avons-nous du mal à nous affirmer ?
Comme l’a souligné le médecin psychiatre et psychothérapeute, Frédéric Fanget, l’affirmation de soi (appelée aussi l’assertivité) est une posture mal comprise en France.
Elle est encore trop souvent confondue avec le fait de s’imposer à l’autre par la force (en étant agressif) ou par la ruse (en manipulant). Et ce faisant, on estime à tort que le manque d’affirmation de soi est un problème réservé exclusivement à ceux qui manquent de confiance en soi, aux timides, aux introvertis, aux trop gentils ou trop passifs.
Or, s’affirmer c’est être capable d’exprimer ses émotions, ses idées pour défendre ses droits, besoins et désirs, tout en prenant en considération ceux des autres.
Dominique Chalvin, psycho-sociologue, a résumé cette posture d’une simple formule :
s’affirmer c’est être « ni paillasson, ni hérisson, ni polisson, mais… à l’unisson ».
Les difficultés pour s’affirmer proviennent presque toujours de croyances issues de l’éducation (modèle parental) ou d’expérience de vie qui ont apporté et conforté des peurs et préjugés sur notre perception de nous-mêmes, des relations humaines et du fonctionnement du monde.
Par exemple, on a appris durant son enfance que pour être aimé et valorisé, il faut obéir et s’écraser. Ou encore, que pour obtenir satisfaction ou se faire entendre, la seule solution est d’être une grande gueule, de taper du poing sur la table ou de recourir au mensonge et chantage affectif.
Que nous soyons paillasson, hérisson ou polisson, chacun de ces comportements et attitudes engrange frustrations et inconvénients.
Pour acquérir la juste posture, voici quelques techniques issues de l’ouvrage « 50 exercices pour s’affirmer sans agressivité ni peur » (Eyrolles) du docteur en ethnologie Marie-Odile Vervisch et de Philippe Auriol, coach et conseil en management auprès des entreprises et collectivités.
Exercices pour commencer à s’affirmer en douceur
Premiers pas
Pour commencer à oser vous affirmer, voici quelques astuces à appliquer :
- Plutôt que répondre par l’affirmative à chaque demande ou sollicitation, optez pour des réparties plus évasives : « je préfère réfléchir », « je dois vérifier quelque chose avant de te répondre ».
- Au milieu des proches, lancez un sujet de conversation
- Regardez droit dans les yeux votre interlocuteur quand vous lui parlez.
- Allez à la rencontre de vos collègues pour les saluer le matin et le soir.
- Au restaurant, commandez ce qui vous fait plaisir et non pas « comme les autres ».
- Posez des questions claires et maintenez votre intonation jusqu’aux derniers mots. Votre interlocuteur ne doit pas sentir votre gêne quand vous demandez des précisions ou des explications.
- Ne vous laissez pas interrompre. Avec un petit sourire et une voix douce et ferme, répliquez par « si vous permettez, je veux bien finir ma phrase… ».
- Quand votre parent, collègue ou n+1 vous pose une question, vous y répondez sans chercher à vous justifier ou à étayer votre argument.
Un conseil : recherchez du soutien auprès d’un proche ou d’un collègue soutenant pour vous aider à progresser.
Formuler des demandes claires
Par pression sociale, culpabilité, peur ou appréhension de la réaction de l’autre, nous ne savons pas toujours comment formuler un besoin. Par ailleurs, en fonction de notre énoncé, celui-ci peut être ressenti comme un reproche ou une critique.
Pour éviter les frictions, les auteurs rapportent une technique appelée la méthode DESC (Décrire, Exprimer, Spécifier, Conclure), utilisée en management pour expliquer un désaccord en milieu professionnel, ou formuler un besoin dans le cadre personnel, sans amorcer un conflit.
Cette méthode s’inspire en tout point des outils de communication non violente, particulièrement en vogue ces dernières années.
Pour illustrer la marche à suivre, imaginons que vous travaillez en open-space et qu’un nouveau collaborateur a l’agaçante manière de parler très fort au téléphone, oubliant qu’il n’est pas tout seul.
La marche à suivre pour lui expliquer qu’il dérange le service sans le froisser est la suivante :
- Décrivez les faits et comportements problématique de façon la plus objective possible :
Par exemple, « depuis ton arrivé il y a trois mois, tes coups de fil s’enchaînent et j’ai plusieurs fois perdu le fil de ma concentration ».
- Exprimez les sentiments désagréables ressentis
« Résultat, je suis en retard dans les dossiers, en plus de recevoir des remarques désagréables du chef de service.».
- Spécifiez, c’est-à-dire indiquez clairement les changements que vous attendez, et faites plusieurs propositions pour que l’interlocuteur puisse s’adapter au mieux.
« Je te propose de parler un peu moins fort ou de réserver une salle pour tes coups de fil »
- Concluez en indiquant les bénéfices positifs qui en découleraient ou les effets néfastes si la situation perdure.
« En tout cas, trouver une solution nous permettra de garder la bonne ambiance au bureau, et cela nous évitera d’éventuelles disputes. »
Exercices pour s’affirmer face aux personnalités difficiles
Tenir bon face aux agressifs
Voici quelques actions-clés à mettre en place pour gérer une relation agressive :
- Laissez passer le « coup de gueule » et restez calme pour éviter l'escalade.
- Écoutez attentivement plutôt que de répondre impulsivement.
- Respirez, buvez un verre d'eau pour conserver votre calme.
Dans l’immense majorité des situations, l’agressivité n’est qu’une façon maladroite d’exprimer un besoin ou une peur. Dans ce cas :
- Reconnaissez rapidement ce qui est vrai dans les propos de votre interlocuteur.
- Rassurez-le en trouvant le motif de sa crainte ou en reconnaissant son besoin comme fondé et légitime.
- Voyez ensuite ensemble quelles solutions sont possibles.
Neutraliser les manipulateurs
Le grand jeu du manipulateur est de vous garder dans le brouillard en ne révélant pas ses intentions. Votre jeu à vous sera donc de le forcer à sortir du bois.
Pour ce faire, voici quelques techniques :
- Ne laissez passer aucun sous-entendu, forcez le manipulateur à clarifier ses pensées : « Que veux-tu dire exactement ? » ou sa position « tu vas faire quoi alors ? »
- Recentrez la discussion pour ne pas vous laisser déborder : « Cela fait cinq minutes que tu parles, mais je ne crois pas que tu aies répondu à ma question… ».
- Restez serein : ne vous laissez pas déstabiliser par des larmes, les flagorneries ou des pressions psychologiques qui ont pour but de vous faire baisser votre garde.
- Reformulez ce qu'il vient de dire et faites-le lui valider : « Tu viens de dire ça, c'est bien ça ? »
Un manipulateur est beaucoup plus fin qu’un agressif. Il sait très bien communiquer et faire perdre le fil à son interlocuteur en le culpabilisant ou le déstabilisant.
Ne vous laissez pas piéger, le manipulateur veut vous entraîner dans sa dance, mais si vous restez droit dans vos bottes et aligné sur votre intention (en clair soyez un mur), il va s’épuiser et abandonner la partie.
Techniques pour s’affirmer sans s’imposer
Tempérer son agressivité
L'agressivité trouve toujours son origine dans nos peurs ou nos frustrations jamais digérées. Mais aussi légitime soit-elle, on ne peut laisser la colère exploser à tout-va. Culture française oblige, notamment dans le monde du travail, le premier qui s’énerve est celui qui a perdu le débat.
Pour éviter de vous tirer une balle dans le pied et apprendre à vous affirmer en toute sérénité, voici quelques astuces pour tempérer votre agressivité :
- Cessez de ruminer vos pensées frustrantes ou qui alimentent votre colère. Respirez, respirez, respirez. Allez faire un tour dehors si besoin.
- En cas de désaccord avec quelqu'un, recherchez trois de ses qualités et repensez-y avant, pendant et après l’échange.
- Au lieu de vous acharner à essayer de convaincre votre interlocuteur, lâchez totalement prise et passez-lui la main. Laissez-lui trouver la solution à votre problème en l’interrogeant.
- Ne vous acharnez pas sur les détails qui vous ulcèrent, reconnaissez le travail parcouru.
- Reformulez ce qui vient d’être dit par l’autre avant de confirmer que vous êtes en désaccord.
- Avant de vous laisser emporter ou de faire une remarque cinglante, demandez-vous si elle est vraiment utile et si elle ne va pas impacter durablement votre relation.
- A la fin d’une discussion, vérifiez que vous n’avez pas écrasé votre interlocuteur et faites en sorte de le mettre en valeur (en le complimentant, en reconnaissant que vous n’êtes pas toujours facile à vivre, en le remerciant pour sa patience etc.)
A côté de ses astuces, il est vivement recommandé de se pencher sur les racines de sa colère.
Corriger sa tendance à manipuler
Les manipulateurs ont naturellement mauvaise presse. Pourtant, hormis les grands escrocs sans honte et scrupule, la tendance à manipuler son entourage est rarement une stratégie relationnelle consciente et assumée. Elle s’est souvent développée très jeune, dans un cadre familial marqué par des personnalités (ou des situations) difficiles, qui entravaient l’affirmation de soi.
Pour corriger ses travers et retrouver l’équilibre, le manipulateur doit avant toute chose cesser de se dissimuler.
Voici quelques exercices à mettre en pratique :
- Au lieu de poser des questions pour en savoir le plus possible sur les intentions de l'autre, vous dites clairement ce que vous pensez.
- Ne tournez pas autour du pot et exprimez vos ressentis sans les cacher.
- Exprimez clairement vos attentes et vos désirs.
- Au lieu de flatter ou de vous perdre dans les généralités, explicitez ce que vous appréciez chez l’autre.
- Respectez vos engagements et vos promesses. Ou n’en faites plus.
- Répondez aux questions qui vous sont posées sans vous défausser ou perdre votre interlocuteur dans des généralités.
- Parlez en votre nom plutôt qu'au nom d'un groupe ou en disant « on ».
Suivant les tendances, on peut avoir l’impression que les efforts à fournir sont disparates. Les passifs et soumis devant réaliser un véritable travail sur eux-mêmes, tandis que les agressifs et manipulateurs ont un simple réajustement à effectuer.
C’est une impression trompeuse, car toutes ses tendances reflètent des croyances limitées qui se doivent d’être conscientisées et abandonnées.
Quant aux bénéfices de l’affirmation de soi, elles sont évidentes et commencent déjà par un véritable respect de soi et des autres, qui savent très bien nous le rendre. Notamment à travers un regard surpris, voire admiratif, ou un sourire franc et massif.
Source : Philippe Auriol & Marie-Odile Vervisch, 50 exercices pour s’affirmer sans agressivité ni peur, éditions Eyrolles, 2021
