Quelle est l’origine du péché?
Il y a certains mots qui ne peuvent être neutres pour des raisons culturelles, historiques ou religieuses. Le mot “péché” fait partie de ceux-là.
Dans l’histoire de la religion chrétienne, ce terme est étroitement associé au fait de commettre un adultère.
Derrière ce mot, nous visualisons donc la ruine d’un mariage. Mais également la promesse de se faire griller dans les feux de l’enfer et harceler par des démons et autres puissances infernales. C’est, enfin, la garantie de s’exposer au jugement, à la honte et de porter son enfer en soi. Que des joyeusetés, en somme.
Jésus, le premier à parler de l’amour de Dieu, a lui-même évoqué le péché.
De fait, on pourrait légitimement se demander s’il n’y aurait pas comme une incohérence dans son discours. Car l’amour ne juge, ni ne condamne, et nous envoie encore moins au fin fond de le lieu destiné au supplice des damnés. L’amour pardonne.
Alors comment l’expliquer? Une théorie intéressante suppose que le mot “péché” a été mal interprété par les premiers traducteurs. Il semblerait que loin d’être une condamnation, le terme employé par Jésus était parfaitement neutre.
Quelle est l’étymologie du mot péché?
Nous savons aujourd’hui que Jésus parlait l’araméen, et que les premiers textes étaient écrits dans cette langue. Logique, mais problématique, car ces précieux textes ont été perdus ou détruits.
Nous sont restées les premières traductions en grec ou latin, mais tous les Historiens spécialisés sur la question vous diront de vous en méfier. Nous ne sommes en effet jamais à l’abri d’une incompréhension ou d’un ajustement «calculé». D’autant plus que les «experts en linguistiques» n’existaient pas en ce temps-là.
Heureusement, tous les textes en araméen du temps de Jésus n’ont pas été détruits. Nous connaissons donc encore cette langue. Or, ce que nous savons du mot « péché » à partir de ces textes araméens est bien différent de sa signification actuelle. Le mot «péché» se prononçait «kata», et était adressé aux archers quand leur flèche passait à côté de la cible.
Littéralement, cela signifiait «tu as raté la cible».
En outre, l’origine araméenne du «péché» se recoupe parfaitement avec son origine hébraïque. Le «péché», en hébreux, est «hatta’t», ce qui signifie également « manquer sa cible ».
Mais, quand la Bible a commencé à être retranscrite en grec, personne n’a repris la formule exacte. On a préféré traduire «hatta’t» par «hamartia», qui signifiait «erreur, ou déficience».
Enfin, du grec au latin, l’erreur, «hamartia» est devenu «peccatum». Un mot signifiant «la faute», et donnera le «péché» que nous connaissons tous.
Comment ne plus pécher?
Un célèbre passage de la vie de Jésus, évoque très bien la neutralité du terme “péché” quand il l’emploie. Au détour d’une promenade, Jésus intervient auprès d’un groupe de Pharisiens, ses adversaires intellectuels, sur le point de lapider une femme adultère. Stoppant la sentence, Jésus les prend à parti: «Que celui qui n’a jamais péché, lui jette la première pierre».
Gros malaise dans l’assistance, et aucune pierre n’est lancée. Jésus se rend auprès de la femme, la relève, et lui dit: «va, et ne pèche plus». Tout simplement. Le ton employé est beaucoup plus proche de celui d’un conseil ou d’une recommandation que d’un jugement de valeur.
Si nous reprenons, ici, le terme original, “kata“, il lui disait en fait : «va, et ne rate plus ta cible». Une formule qui correspond mieux au ton détaché de Jésus. Bien sûr, sa recommandation ne s’adressait pas qu’à elle, c’était aussi (et peut-être surtout) destiné à ses juges.
Nous sommes donc loin du mal absolu quand nous fouillons les origines du mot “péché”. Nous sommes plutôt dans l’erreur humaine, qui doit être rectifiée. Quelle est cette erreur? Quand est-ce qu’une relation, ou une situation, nous échappe-t-elle? Bref, quand est ce que nous ratons notre cible ?
Quand nous ne sommes pas dans l’amour. Et là, nous revenons au message fondateur de Jésus. L’amour, c’est l’accueil, l’ouverture, qui implique un comportement empathique, ouvert et curieux.
Quand nous sommes fermés aux autres, à nous-mêmes, seuls nos carcans et préjugés prédominent sur tout le reste. Fatalement, nous ne pouvons avoir une vision globale, et juste, d’une situation ou d’une personne.
Pour autant, cela n’implique pas d’être condamné pour l’éternité chez Satan, mais de faire un travail sur soi. Et cela change beaucoup de choses, n’est-ce-pas?
Pour aller plus loin : Dan Brulé, « Respirer, tout simplement », Le Courrier du Livre, 2018 & Frédéric Lenoir, « Socrate, Jésus, Bouddha », Fayard, Le Livre de Poche, 2009