Ma mère, elle, elle est sur une autre planète. Elle a été professeur d’EPS, puis de lettres (oui, je vous assure, le sport c’est de la culture). Aujourd’hui, elle est…à la retraite…
(Ceci est un mot en voie de disparition dans le dico, « camarades, camarades, ne lâchons rien »…)
« Faites des parents », qui en 68 ont 18 ans, ça veut dire naitre dans une manif dans les années 80, apprendre à marcher en chantant, « tous ensemble, tous ensemble », sur le même chemin, redorons les valeurs du genre humain.
Quand on aime on ne compte pas, alors ces hippies ont arpenté le monde en combi, ont fait des petits dont je fais partie, et puis ont fini par divorcer d’avoir consommé, sans assez de modération, un trop plein de liberté, laissée sans mode d’emploi, aux futures générations.
J’ai rapidement compris qu’il faudrait sans cesse improviser. Il y a toujours un évènement, un départ, une rupture, prêts à nous dévier de notre route pour nous mettre sur des chemins buissonniers. Parmi ces détours sans retour, j’ai tenté de préserver une certaine légèreté.
J’ai toujours pensé, que c’était plus dur pour eux, que pour moi. C’est vrai, ça n’avait pas l’air évident, de passer de belles nuits d’amants, à des journées de transfert, de linges sales et d’enfants.
Alors j’ai pris le train comme on traverse un port, pour passer d’une rive à l’autre, d’un monde à un autre. D’un parent à un autre. Entre une semaine, maternelle pour deux. Et un weekend, rempli pour la quinzaine. Finalement, je me suis accommodée de ces différences-là. Elles sont devenues moi…
Il n’y a pas de modèle. Il faut inventer sa vie.
J’ai grandi avec deux maisons et deux lits. Et aussi deux pots de Nutella et deux abonnements à Télérama😜. Vu comme ça, avouez, que cela donne envie 😉
Dans la cour de récré, les premières années, j’étais bien la seule dans mon monde d’enfants de divorcés. Souvent, on me demandait « Ils ont refait leur vie tes parents ? ». Je répondais : « Des vies, ils n’en ont qu’une. C’est celle-là, et c’est très bien ainsi ». On insistait en me laissant entendre : « Ils pourraient peut-être se remettre ensemble… ? ». Silence.
J’ai tenté de leur expliquer que je n’y pensais jamais. Jamais. Puis j’ai juste cessé de les écouter. J’avais cette vie-là à aimer, et c’était bien assez. D’Amour, je n’ai jamais manqué. Je ne voulais pas de faux espoir, car l’espoir est un poison. Un poison qui nous enlève la force d’aimer ce qui est là.